vendredi 16 octobre 2009

Amuse-bouche


Pour (re)commencer: une histoire de fille toute seule en voyage, puisque si je ne suis plus seule, je suis partie seule, et que ces petits moments de, hum, disons d’éternité, à cheval entre le ridicule et le sublime, n’arrivent qu’aux filles toutes seules loin de chez elles. Je le sais, ça m’arrive assez souvent, j’ai appris à reconnaître ce parfum reconnaissable entre tous du désespoir comique, qui donne le goût de brailler sur le moment, mais fera assurément la joie des correspondants restés à la maison et qui attendent précisément ce genre de récit pour se bidonner un bon coup.

Aéroport de Toronto. Sept heures d’attente. Ne me demandez pas comment ça a pu arriver, compte tenu du fait que je partais pour la France, c’est arrivé, et ça fait partie de la game, mettons ça sur le compte du fait qu’on ne part pas tous égaux dans la vie, et qu’il y en a qui se font surclasser parce qu’ils ont de beaux souliers, et d’autres qui attendent sept heures pour aucune raison. Dossier mystère, genre. De toutes façons: je le savais depuis longtemps, je m’étais faite à l’idée, pas de problème, en plus j’aime bien les aéroports, en-dehors du fait que tout coûte cinq fois le prix normal, ce sont parfois des endroits agréables, quand la lumière est bien pensée, mais surtout on sent là cet espèce de brouillard sentimental qui baigne les pensées de la foule: à l’aéroport, tout le monde se prend pour le héros du roman.

Entre les magasins tous semblables, les faux pubs, les bars et les restos où l’on peut déguster un hamburger pour 14 dollars, j’ai vite fait le tour de la place. J’ai pris des photos de la pluie dehors, des pistes, du tarmac, des avions. J’ai lu des revues debout. Il n’y avait pas internet. Bref, à seize heures, je savais plus quoi faire.

Je passe pour la huitième fois devant le petit institut de beauté minute et je me dis, oh mon dieu, allez hop, je me fait faire une manucure, rien de trop beau, c’est long, je m’emmerde, je vais me faire faire les ongles, oui! Quelle bonne idée! Comme c’est joyeux. Une manucure à l’aéroport. Et après on commence le voyage avec de jolies mains. Hourra, bravo, vendu.

J’aurais dû me douter de quelque chose quand la jolie jeune fille (qui jugeait mon anglais), à qui je demandais comment c’était de travailler dans un aéroport, m’a confié qu’elle en était seulement à sa deuxième journée. J’aurais peut-être dû jouer de prudence lorsqu’elle m’a demandé si elle posait une deuxième couche de vernis (euh, I guess, c’est pas toi qui connaît ça?), surtout que la première n’avait pas encore eu le temps de sécher... J’aurais dû camper sous le séchoir, vu que manifestement, ça allait pas le faire, avec cette deuxième couche trop épaisse sur une première couche pas sèche. Je sais pas où j’avais la tête. Dans les vapeurs de dissolvant, j’imagine. En tout cas: je voulais y croire.

Et finalement, je n’aurais pas dû m’éloigner tant de la boutique, qui affichait “satisfaction garantie ou argent remis”, pour me retrouver dans une autre aile complètement de l’aéroport, celle des vols internationnaux, avec mes ongles tout mous, mais qu’est-ce que tu veux, elle en a mis tellement épais, la petite chérie, que même sec le vernis était comme une espèce de pâte... Même en faisant très attention, j’ai scrapé disons six ongles sur dix. C’était dégueu. Alors qu’est-ce que j’ai fait avant d’embarquer dans l’avion?

Je suis allée dans une boutique d’aéroport.

J’ai acheté du remover à 5 dollars.

Je me suis assise au Tim Horton.

Et j’ai soigneusement enlevé le vernis sur tous mes ongles.

5 commentaires:

  1. Oh god.
    Tu peux m'ajouter à cette grande famille de la badluck.
    La semaine passée, on a silencieusement échangé mon siège situé au fond de l'avion près de l'allée... pour un siège au milieu, à l'avant, avec les bébés et le monde malade. Oh, je devrais ajouter: les bébés qui vomissent à 3 pouces de mon sac.

    super ;)

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  2. Oui, enwoye dans la famille, certain, mais c'est plus... métaphysique que de la simple badluck, tu ne trouves pas?
    C'est comme une sorte de rappel. De l'univers.
    Genre - souviens-toi: on est seuls même quand on ne veut pas être seul. Le temps EST long. Le corps est faible. Le vernis ne tient pas. Et les bébés vomissent.
    Tsé?

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  3. Hahaha. Je peux rien écrire d'autre, je suis crampée. :)

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  4. Inquiète toi pas Véro, t'as des beaux souliers aussi!
    xx

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  5. ENFIN et... YOUPI!!!
    Tu le sais que J'ADORE ces histoires: comme celle de "l'essence du chapeau de paille" que tu portais au Portugal quand tu t'es pété la tête en entrant dans un taxi.
    Est-ce que tu trouves que je manque de compassion, ma petite chérie?

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